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You’re a supersonic man, aren’t you?

Enfin! Ma derniere visite a la DGR est la bonne! Le lundi, je me rends au bureau au bout de la rue San Martin, slalomant entre les touristes au pas nonchalant et les locaux absorbes par leur routine quotidienne. J’ai les papiers necessaires, personne ne me fait de problemes supplementaires et on m’aide meme a remplir ce fichu programme informatique auquel je ne comprends rien. Je passe ainsi mes deux dernieres heures a la DGR en esperant ne plus jamais avoir a y mettre les pieds.

Le reste de la journee, je le passe a saluer les amis (encore une fois) et a m’organiser pour le depart du lendemain. Une derniere soiree arrosee, une tres courte nuit et un reveil difficile avec la gueule de bois, et me voila a la sortie de la ville a faire du stop. Drole de sensation de quitter ce lieu qui m’était devenu si familier. J’y avais des amis, je m’y etais trouve un travail fixe, j’y dormais (plus ou moins) au meme endroit chaque soir et j’avais appris a apprecier Ushuaia avec ses bons et mauvais cotes. Je sentirais presque de la nostalgie…

Mes pensees melancoliques s’effacent lorsque s’arrete Angel dans son camion et la realite de l’instant present fait a nouveau surface. J’arrive rapidement a Rio Grande et, alors que je marche vers la sortie de la ville, je me permets un court arret afin d’aller saluer la famille Baracchi qui m’avait recu trois mois auparavant. A 14h je suis finalement de nouveau au bord de la route a jouer du pouce. Quatre heures de stop en plein vent et dans le froid austral ne suffisent pas a me faire embarquer. Je renonce en me disant que tout vient a point a qui sait attendre. Pour le coup, j’irai « attendre » dans ma tente ou je recupererai de ma nuit passee. Je me reveille a l’aube, pour le lever de soleil au-dessus de la mer glaciale de la Terre de Feu. La maree est basse, les mouettes piaillent en tournoyant furieusement au-dessus de ma tente. Vos gueules les mouettes, la mer est basse !? Hum, les mouettes argentines ne doivent rien comprendre a l’humour francais…

Playa en Rio Grande

A 7h, je me retrouve a nouveau a lutter contre le vent. Finalement, une voiture s’arrete. J’apprends que mon bon samaritain se rend a Neuquen, a pas moins de 2000 bornes de la ! J’avais encore plusieurs idees d’itineraires dans la tete avant ca, et d’un coup ma destination se revele d’elle-meme : j’irai jusqu'à Buenos Aires ! Mon ami Maxi, rencontre au Perou et revu a Ushuaia, m’y a invite pour assister aux « murgas » et m’initier a ce carnaval peu connu des touristes. Je monte a bord et salue Claudio avec qui je m’apprete a effectuer ce long trajet. Ce dernier vient d’achever un travail pour une compagnie petroliere et rentre chez lui. L’air debonnaire, tres relax et communicatif, Claudio me met tout de suite a l’aise et le courant passe facilement entre nous. Nous arrivons a la premiere frontiere de San Sebastian et nous embarquons un autre auto-stoppeur : Martin. Etudiant d’anthropologie a Buenos Aires, il connait par le plus grand des hasards mon ami Maxi avec qui il etudie. Extraordinaire coincidence quand on sait que la capitale compte plusieurs millions d’habitants !

Claudio, Martin y yo cruzando el estrecho de Magallanes

Le voyage se deroule tranquilement dans une ambiance de franche camaraderie que l’etat d’esprit argentin ne manque jamais d’instaurer. Second passage de frontiere pour finalement revenir en Argentine apres ce court episode chilien, avec traversee du detroit de Magellan incluse. A l’epoque du conflit entre le Chili et l’Argentine pour l’occupation de la Terre de Feu, le Pape aurait quand meme pu s’arranger pour laisser un acces direct aux argentins depuis le continent, sans avoir a passer chez leurs voisins chiliens. Sans compter qu’ils se detestent generalement et que les passages de frontiere ne sont jamais tres agreables dans ce coin la.

Un fois a Rio Gallegos, Martin nous quitte pour continuer sa route vers El Calafate. Quant a Claudio et moi, nous remontons a toute allure vers le nord du pays en longeant la cote Atlantique. Nous croisons peu de villes jusqu'à Comodoro Rivadavia. Le paysage est celui d’une pampa aride aux teintes orangees avec l’apparition sporadique du bleu fonce de l’ocean a l’est. Nos seuls compagnons sont les guanacos et les nandus qui pullulent au bord de la route, parfois pour leur plus grand malheur… Nous nous arretons quelques instants a Comodoro Rivadavia afin de me permettre de saluer la famille Martinez qui m’avait recu il y a quatre mois déjà puis nous nous enfoncons dans la nuit, engrangeant a nouveau les kilometres. A 1h du matin, vaincus peu a peu par le sommeil, nous nous arretons dans l’unique village situe entre Comodoro Rivadavia et Trelew, distant de 150 km de chacune des deux villes. La nuit est etoilee, l’air est chaud et nous ne tardons pas a nous endormir, affales dans les sieges avant de la Ford Ranger de Claudio.

Nouveau reveil a l’aube. L’horizon se pare d’un bandeau de lumiere rosacee tandis qu’au-dessus de ma tete les etoiles scintillent toujours. La beaute des levers de soleil dans la pampa ne cesseront jamais de regaler mes yeux. Nous passons au large de Trelew (desole Julien, pas eu le temps de te saluer, et de toute facon tu etais surement encore en train de baver sur ton oreiller a cette heure la !) et faisons une halte a Puerto Madryn pour rendre une visite au frere de Claudio. Pas de chance, il est en voyage, et nous repartons donc sans plus attendre. Je conduis jusqu'à Las Grutas tandis que Claudio prend un repos bien merite. Nouvelle halte dans cette station balneaire branchee, situee dans la baie au nord de la peninsule de Valdes. Rapide visite a la famille de Claudio en vacances ici, et nous allons ensuite faire trempette et manger un bout avant de repartir. La plage est belle, l’eau est chaude et la chaleur est relativement supportable. Je comprends le succes de ce lieu qui commence a etre victime du tourisme de masse.

Playa en Las Grutas

Encore quelques centaines de kilometres, ou j’observe enfin un verdissement du paysage et l’apparition de quelques arbres, et nous arrivons a Choele Choel ou me depose Claudio. Je viens de battre mon record de kilometrage avec le meme vehicule, environ 2000 km ! Je quitte Claudio apres une franche embrassade tandis que ce dernier s’en va vers l’ouest. De mon cote, je me prepare pour le stop. La chaleur me tue et le soleil fait virer mon pale visage au rouge en un rien de temps. Quelle difference avec Ushuaia ! Ici l’ete ressemble vraiment a l’ete !

Je n’attends qu’une heure avant que Julio ne me prenne dans son camion. Il m’annonce qu’il se rend a Olavarria, en plein milieu de la province de Buenos Aires et de la pampa humide. Julio est un jeune camionneur qui vient de se lancer avec son frere dans le transport de fret. Nous passons Bahia Blanca alors que tombe la nuit et je reste muet face a cette maree lumineuse qu’est le premier port du pays dans l’obscurite. Malgre le mate, qu’en tant que copilote je sers avec enthousiasme, je tombe de sommeil et tente malgre tout de faire la conversation a Julio pour me rassurer en pensant que ca lui evitera de nous envoyer dans le decor. A 2h du matin nous sommes a Olavarria. Nous stationnons a la fabrique de ciment ou Julio doit decharger les tonnes de pierres blanches qu’il transporte dans la matinee. Nous dormons dans le camion d’un sommeil lourd.

Le lendemain, le frere de Julio qui vit en centre-ville nous rend visite. Vient ensuite le moment de decharger le camion et j’aide alors Julio dans cette tache besogneuse. Nous ne quittons la fabrique qu’a midi. Julio, qui vient de recevoir l’ordre pour sa prochaine destination, me propose alors de me deposer dans sa ville, a Chivilcoy, ou il passera la nuit. J’accepte et il ne nous reste plus qu’a charger le camion, de sacs de ciment cette fois, avant de reprendre la route. Nous attendrons jusqu'à 18h. Le temps de manger un bout, de prendre une douche, de faire une sieste et de partager une nouvelle fois le quotidien de mes amis camionneurs. Le camionneur a beau etre macho, rustre, souvent peu eduque et parfois tres penche sur la boisson et la misogynie, il reste tres attachant, genereux et parfois meme sage. Je crois qu’a ce jour je pourrais ecrire un recueil sur les us et coutumes des camionneurs d’Amerique !

Julio y Ruben frente al Scania

Il est 22h, nous arrivons a Chivilcoy. C’est l’anniversaire du petit frere de Julio et le traditionnel asado est déjà prêt. Vient s’ajouter le Fernet Coca a la nourriture et le typique tableau du repas argentin est complet. La coutume veut que le garcon fetant ses 18 ans ait la tete rasee par ses amis et cette soiree ne fait pas exception. Il est déjà 2h, Julio insiste pour sortir, vendredi soir oblige. Fourbu, j’accepte avec reticence d’aller descendre une biere dans un bar du centre. A mon plus grand desarroi, Julio est inarretable ce soir-la et parvient a me trainer au « boliche ». Le bonhomme est marie, sa femme travaille d’ailleurs ce soir la a quelques pates de maisons de la boite de nuit, mais ca ne l’empeche pas d’aller solliciter les trois quarts des filles du club avec l’objectif tres clair de finir avec l’une d’entre elle pour une nuit de sexe sauvage. Mouais… Vers 5h30, j’arrive finalement a lui annoncer, entre deux verres de Fernet, que je m’en vais et je rentre a pied rejoindre son camion ou je m’affale trois heures afin de me reposer.

Au petit matin, revient Julio qui a finalement obtenu ce qu’il voulait, et il m’accompagne a la sortie de la ville pour ma derniere seance de stop avant la capitale. Place dans une station service ombragee au personnel sympathique, mon exercice de stop s’apparente a une tranquille matinee d’été passee a discuter avec de vieux amis. Arrive finalement un 4x4 flambant neuf dans lequel se trouve Martin et ses deux enfants qui acceptent de me mener jusqu'à la capitale. Le trajet de deux heures avec cet homme cultive et curieux, aux racines tres diverses et a l’histoire peu banale, finit d’achever cette session de stop de quatre jours, pittoresque et riche en rebondissements, qui m’aura fait parcourir plus de 3000 km en moins de cinq jours !

Cerise sur le gateau, Martin me propose de dejeuner avec lui dans la semaine et me depose prêt de chez Maxi sans oublier d’insister pour m’offrir a manger avant de nous quitter. Je ne sais pas ce que me reserve la suite de mon voyage mais je sens que je vais regretter le sens de l’hospitalite argentin…

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