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JAPON

Backpacking sur fond de catastrophe naturelle et humaine au pays de Sangoku et de Naruto...

Un petit tour et puis revient

Le jeudi matin je remercie Daniel qui s’en va travailler tandis que je fais mon sac. J’ai finalement opte pour le nord et je reste donc dans la region de Nagano et ses montagnes.

“Thanks Dan ! Was a good time in Ina ! Gambatte with your students and buy a fucking pancho for the rainy season!”

Je quitte Ina vers midi. Je me positionne a l’entrée de l’autoroute pour Matsumoto et n’attend pas plus de 5 minutes avant d’avoir mon premier ride. J’ai tendance a oublier le nom de mes chauffeurs en moins de 30 secondes et cette fois la ne fait pas exception a la regle. De plus, les noms japonais ne sont pas des plus faciles a retenir… Le trajet est court jusqu'à Matsumoto. Je suis depose a l’entree de la ville ce qui me vaut une bonne marche de 2h pour atteindre la sortie en direction de Kamikochi. Une fois encore, l’attente est courte et j’avance d’une vingtaine de kilometres. Un dernier ride pour arriver a l’entree de Kamikochi et le tour est joue !

Kamikochi est un complexe hotelier situe dans une superbe vallee. La saison n’est pas encore ouverte et tous les hotels se preparent a recevoir les premiers clients dans une semaine. Alors que je m’enfonce a pied dans la vallee, la nuit tombe. Je demande mon chemin dans un hotel et suis finalement recu par trois superbes receptionistes qui tiennent a m’accompagner jusqu'à mon campement. Merci les filles ! La premiere nuit en tente est froide. Et pour cause, il y a de la neige partout ! Grande randonnee le lendemain avec tentative d’ascension d’un des monts enneiges de Kamikochi. Je fais la connaissance des Nihon zaru, les pacifiques petits singes qui peuplent la vallee. Le beau temps matinal fait place a la pluie et je finis completement trempe avec en prime de la neige dans les chaussettes. Nouvelle nuit glaciale (et humide) dans ma tente avant de quitter le parc le lendemain. L’endroit est vraiment superbe et je me promets de revenir un jour en été.

entree dans Kamikochi  Green river - Kamikochi  Nihon zaru - Kamikochi

Totemo yuki! - Kamikochi  Trempe jusqu'aux os - Kamikochi

Pas facile de faire du stop sous la pluie mais je suis rapidement embarque par Mikei, une femme d’une cinquantaine d’annees. Elle est mon premier chauffeur parlant anglais ! Elle me depose au pied du château de Matsumoto sans oublier de s’arreter dans un restaurant pour me faire gouter la specialite locale, l’oyaku, une delicieuse boulette faite de viande ou de legumes. Le château est un des plus vieux du Japon (16e siecle) et un des mieux conserves. L’exterieur est noir et blanc tandis que l’interieur est tout a fait sombre. Le système de defense du château tres avance a permis a ses occupants de ne jamais etre defaits. Apres ma petite visite, je tombe nez a nez avec de sympathiques vrais faux samurais et ninjas. Photo souvenir obligee…

Matsumotojo - Matsumoto  Des samurais, des ninjas et un pokemon! - Matsumoto

La pluie n’en finit pas. Un jour et demi dehors sous la pluie quand on est trempe c’est long, c’est tres long. Pas de stop pour aujourd’hui donc. Je me refugie dans un cafe ou je passe quelques heures a profiter du WiFi. Obtenir une connexion internet, gratuite qui plus est, releve de l’impossible au Japon. Tout le monde possede des telephones portables avances, generalement des I-Phones de derniere generation, avec internet illimite et accessible n’importe ou. Je peux parfois passer des heures a la recherche d’une connexion… Je partage ma nuit entre le « Mac Donaldo » ouvert 24h/24h et les confortables toilettes de la gare de Matsumoto (lorsque finalement mon hotel du soir a l’odeur d’huile frite ferme ses portes pour trois heures entre 2h et 5h ; publicite mensongere !).

Evidemment je suis leve tot le lendemain et j’apprecie de revoir briller le soleil. Petite marche en direction de l’est de la ville qui me permet d’apprecier le lever de soleil sur les montagnes. Nous ne sommes qu’au printemps mais le soleil se leve déjà tres tot (entre 4h et 5h). Le Japon n’usurpe pas son appellation de « pays du soleil levant ». Apres 2 minutes de stop j’ai mon premier ride. La voiture chavire tranquillement sur les virages de la petite route de montagne qui nous mene vers Saku. Le paysage est splendide ! Les montagnes ont des formes tres etranges et sont recouvertes de vertes forets depuis l’arrivee du printemps. Une fois a Saku, je suis pris en photo par mon chauffeur pour la future anecdote aux amis, et ensuite depose a l’entree del’autoroute menant a Maebashi. Il n’y a pas beaucoup de place et ma marge de manœuvre est reduite. Neanmoins, comme d’accoutumee, j’attends peu avant de me faire embarquer par un jeune couple dans leur monospace. Pas d’anglais donc on se comprend comme on peut, ce qui nous vaut generalement de bons fous rires. Encore une fois, je suis ensuite depose a l’endroit ideal pour me permettre de poursuivre ma route. Je me retrouve donc a l’entree de l’autoroute allant vers Numata ou s’arrete une gentille vieille dame pour me deposer sur une aire d’autoroute. Jugeant que mon emplacement n’était pas approprie, elle a tout simplement traverse toute la longueur du peage pour m’embarquer et me permettre d’augmenter mes chances ! Et ca marche puisqu’il me suffit d’une voiture pour arriver ensuite directement a Numata.

Quand je raconte mes aventures a Kenji, mon chauffeur jusqu'à Numata, et l’informe que je me rends a Nikko, celui-ci decide de m’accompagner car c’est un endroit qu’il adore. Du coup, c’est petit atelier de japonais au programme entre Numata et Nikko tandis que nous zigzaguons gaiement entre les montagnes. Celles-ci ne sont pas encore entrees dans le printemps ; il fait plus froid ici et le changement de saison se fait attendre. Une fois a Nikko, il est finalement trop tard pour visiter les temples et Kenji retourne a Numata tandis que j’ere un peu en ville avant de me trouver un coin ou camper. Je suis dans les bois, au pied des temples, ou j’aurai le plaisir de me faire visiter par quelques cervides locaux.

Le lendemain matin, j’ai droit a ce qui est sans doute ma meilleure visite de monument historique depuis le debut de mon voyage. Les temples de Nikko, « A World Heritage », sont fantastiques ! La cite regroupe plusieurs complexes et chaque complexe a son propre temple d’importance et ses autres batiments gravitant autour du temple principal. La cite se situe en plein milieu d’un somptueux bois abritant des arbres de tailles impressionnantes et aux troncs massifs. L’exterieur des temples est magnifique mais l’interieur l’est probablement encore plus, tout en raffinement et en detail. Malheureusement (ou heureusement pour la preservation de ces tresors), les photos a l’interieur des batiments sont interdites. J’aurais aime vous faire partager notamment la beaute des trois bouddhas de 8 m de haut qui tronent au sein du Sanbutudo, mais il vous faudra faire vos propres recherches pour cela.

Nikko  Nikko  Nikko

Nikko  Nikko

Nikko

Je passe ensuite mon debut d’apres-midi a me ballader en ville et a refaire le plein en vivres avant de me rendre 30 km plus loin en stop. Je souhaite camper devant le lac Chuzenji, entoure de montagnes encore enneigees a cette saison. Je squatte un camping vide qui offre une vue idyllique sur le lac. Beaucoup de vent cette nuit la qui vient s’ajouter au froid. Je n’arrive pas a allumer mon feu. Je ne sauverai l’honneur que le lendemain alors que le vent sera tombe. Apres avoir profite d’un petit dejeuner au coin du feu avec vue sur le lac et les montagnes, je longe le lac jusqu'à atteindre les chutes Kegon ou je partage le point de vue avec une classe d’ecoliers curieux.

Chuzenjiko  Chuzenjiko  Kegon falls

Je reprends le stop avec pour toute idee de destination la prefecture de Chiba et la mer. Yoshihiko me prend en stop dans son camping-car alors qu’il revient d’une partie de peche. Il parle anglais et je peux le harceler de questions sur lui-meme et son pays. Il me depose pres d’Utsunomiya. En moins de 3h, j’enchaine ensuite trois rides pour finalement revenir quasiment a mon point de depart. J’aurais aussi le loisir de devoir me debarrasser d’un japonais saoule au sake, de recevoir un beau stylo d’un homme dont je n’aurais absolument pas compris les propos, d’etre pris en stop en plein milieu d’une ville et de faire du stop a l’entree d’une autoroute sous surveillance de la securite routiere. J’atterirai d’ailleurs dans le vehicule de ladite securite routiere pour mon dernier ride jusqu'à une aire d’autoroute. J’y suis embarque par Matsuda, 72 ans et gros blageur. Je ne suis pas encore familiarise avec l’humour japonais en japonais mais son rire communicatif defie toute concurrence. Il me depose sur une autre aire d’autoroute pres de Kasama et me cherche un vehicule pour poursuivre ma route. En 2 minutes, il me trouve un van avec trois techniciens allant vers Saitama. Apres un nouvel arret, j’obtiens mon dernier ride de la journee qui me mene a la gare de Tsuchiura. Ce soir la, je camperai en toute tranquilite dans un parc en bordure de la ville.

Nouvelle journee de stop le lendemain avec un ride jusqu’aux abords de Katori durant lequel on m’offre de la nourriture pour la journee ; un autre ride jusqu'au centre de Katori dans une minuscule camionnette ou j’attrappe des crampes ; un autre ride jusqu'à Choshi ou je peux aller voir la mer et un des plus vieux phares du Japon ; un autre ride en camion (alors que je ne faisais que demander mon chemin) qui me ramene a Choshi centre ; un autre ride jusqu'à Asahi ou mon chauffeur me montre sa maison devastee par le tsunami du 11 mars (la prefecture de Chiba a aussi été touchee, meme si beaucoup moins severement que la region de Sendai) ; un autre ride jusqu'à Togane avec un jeune père de famille un peu timide ; et enfin l’apotheose de la journee, mon dernier ride avec Tomoki jusqu'à Mobara.

Ayu and her friends - Choshi  camion ultra moderne - Choshi

La deuxieme question de Tomoki apres m’avoir demande mon pays d’origine est : « As-tu un endroit ou dormir ce soir ? » Ma tente est ma seule option a ce point. Il m’informe alors qu’il possede un centre pour personnes agees qui n’est pas occupe la nuit et que je peux y rester ce soir sans probleme. Quelle bonne nouvelle ! Une bonne douche et un futon sur lequel me reposer me ferait du bien. Le soir, nous passons par le centre et je fais la connaissance des employes. Nous allons ensuite manger chez Tomoki ou je fais la connaissance de sa femme et de son fils accompagnes de son neveu Masaru. Tomoki et sa femme ont tous deux passes un an a l’etranger lors de leur etudes et parlent un tres bon anglais. La communication en est grandement facilitee. Nous allons tous ensemble finir la soiree dans le calme bar d’un ami de Tomoki. Masaru devient rouge ecarlate apres deux verres et laisse transparaitre des signes d’ebriete evidents. La  plupart des japonais sont tres sensibles a l’alcool et se saoulent tres rapidement. J’ai cru comprendre qu’il leur manquait une enzyme (ou que celle-ci ne s’activait pas) qui est generalement preposee a l’elimination de l’alcool dans notre sang. Ce qui fait qu’a ce jour j’ai un avantage evident sur les japonais en termes de descente de bieres et de sake. Je compte bien en profiter avant que ce phenomene ne s’inverse en Russie ou j’apprehende deja les litres de vodka qu’il va me falloir engloutir.

employes du centre - Mobara  Tomoki et sa famille - Mobara  Tomoki et mes "fans" - Mobara

Apres une douche reparatrice et une nuit confortable, je passe la matinee au centre. J’ai propose a Tomoki de faire des crepes pour le staff et les petits vieux afin de le remercier pour son hospitalite. On ne change pas une methode qui marche. Apres tout, que faire d’autres pour plus de 50 personnes qui soit a bas cout et que tout le monde aime ? Mais cette fois c’est sur en tout cas, je m’autoproclame « ambassadeur officiel de la crepe francaise » ! Masaru m’assiste dans la preparation tandis que je suis aux fourneaux. Vient ensuite la distribution a l’ensemble des occupants du centre. Alors que les japonais sont generalement tres reserves et pudiques, les petites vieilles me serrent dans leurs bras et supplient Tomoki de les prendre en photo mes cotes. Grosse matinee de fun si vous voulez la verite !

Vient le moment de partir, je dois etre a Tokyo ce soir. Takashi, un ami de Tomoki et ancien directeur du centre, ainsi que Masaru m’emmenent dans la toute nouvelle Toyota Prius Hybrid de Takashi jusqu'à « l’Aqualine » qui relie la prefecture de Chiba a celle de Tokyo. Ils me laissent a l’aire de repos a l’entree du tunnel qui a tous les atouts d’un veritable centre commercial. D’ici on a vu sur l’autre bout du tunnel qui emerge de la mer quelques kilometres plus loin. Comme quoi, la France et l’Angleterre n’ont pas l’exclusivite du transport de passagers en environnement sous-marin ! J’obtiens rapidement un ride qui m’emmene au cœur de Tokyo ou je peux prendre les transports pour atterir a nouveau chez Julian chez qui je passerai quelques jours. Back in Tokyo !

Aqualine entre Chiba ken et Tokyo ken

Sakura to yama Ina ni

Le soir de mon arrivee a Ina, je dors, accompagne de Daniel, dans la maison de Takachi. Takachi est un affable professeur de japonais d'une cinquantaine d’annees. Sa maison est un vrai palace et j’ai du mal a croire qu’il vit seul ici. A noter que je ne sais pour quelle raison, les maisons japonaises n’ont generalement pas de chauffage ni d’air conditionne. C’est pour moi une enigme quand je vois le niveau d’avancement de la technologie dans ce pays. L’apparence est tres importante pour les japonais et tout ce qui concerne la vie publique des japonais est du dernier cri ; mais pas l’interieur d’une maison… A Ina, les temperatures se stabilisent bien en dessous de zero l’hiver. Mieux vaut donc etre prepare a affronter le froid nocturne grace a de nombreuses couches de couverture.

Le lendemain, dimanche, c’est repos, lecon de tennis matinale durant laquelle je suis etonne de voir que je ne suis pas le plus mauvais, onsen reparateur (celui-ci est bien plus grand que ce que j’avais experimente a Ishinomaki et possede un superbe bain chaud outdoor avec vue sur les montagnes enneigees ; divin !) et regroupement entre amis dans un parc du centre ville d’Ina. C’est la saison des cerisiers en fleurs et tout le monde est de sortie. C’est aussi une tres bonne excuse pour les jeunes japonais pour aller siphonner quelques bieres entre amis tout en profitant du soleil et des sakura no hana (cherry blossoms). Nous finissons la journee dans un restaurant japonais ou l’on nous sert un hamburger… euh… japonais. C'est-à-dire pas grand-chose a voir avec son cousin americain en termes de taille et de saveur.

Sakura no hana - Ina  Sakura no hana - Ina  Sakura no hana - Ina

Sakura no hana - Ina

Le lendemain, alors qu’Emma, la femme de Daniel, retourne a Yasuoka ou elle enseigne durant la semaine (les deux appartiennent au Japan Exchange for Teaching Program (JET) et sont au Japon depuis deux ans deja), j’accompagne Daniel a l’ecole pour la rentree des classes.

Entre les cerisiers entre amis - Ina  Daniel et Emma sous les cerisiers - Ina

Premiere lecon d’anglais avec ma presence en tant que Guest Star ! Je reproduis la traditionnelle presentation de mes voyages tandis qu’un professeur japonais traduit mes mots. C’est au tour de Daniel de s’introduire a ses nouveaux eleves. Je n’avais encore jamais fait ma presentation en chaussons, plutôt confortable (pas de chaussures dans l’ecole, c’est la regle). Les eleves japonais sont tres timides. Aucun ne veut prendre la parole de peur de s’attirer l’attention des autres. Daniel a recours a la fameuse carotte, en l’occurrence des bonbons, pour surpasser cette timidite excessive. Et ca marche puisque ensuite les questions pleuvent. Nous visiterons deux classes ce matin la avant d’aller dejeuner en centre ville. Sushis au menu !

Daniel se presente - Ina  Moi et mon interprete - Ina  Presentation ecole nippone - Ina

Je laisse Daniel retourner a ses cours tandis que je pars visiter la ville muni du velo d’Emma. Ina est construite au milieu d’une vallee entouree des plus hautes montagnes des Alpes japonaises (excepte le solitaire Mont Fuji situe au sud-ouest de Tokyo). Le paysage me rappelle Grenoble meme si la ville est de taille plus modeste. Je retrouve mon hote en fin de journee pour une soiree crepes (a sa demande je precise, apres avoir eu vent de la « crepe party » chez Julian quelques jours plus tot).

Le velo, ca vous gagne! - Ina

J’accompagne a nouveau Daniel le lendemain, dans la seconde ecole ou il enseigne pour deux nouvelles presentations. La seconde presentation se fait dans une classe majoritaire en filles. Suite a cette experience, je decerne volontiers la palme de l’hysterie aux adolescentes japonaises… Apres-midi tranquille chez Daniel a profiter de sa collection de films pour cause de mauvais temps.

Enfin, le dernier jour, je me rends en velo au pied d’une montagne pour une courte randonnee. Sur le chemin, je visite un temple shintoiste absolument somptueux et apparemment peu visite. D’apres ce que j’en ai compris, le Shintoisme est la principale religion pratiquee au Japon et rassemble les japonais autour d’un meme folklore et d’une meme mythologie. Il ne s’agit pas a proprement parler d’une religion mais de croyances et pratiques ancestrales. De nombreux shintoistes sont egalement bouddhistes. Le Shintoisme concernerait plutot la vie sur terre tandis que le bouddhisme ferait plutot reference a la vie apres la mort dans ce cas la. A noter la croix gammee sur une des statues. Il s’agit d’un swastika, un symbole ne en Inde il y a de cela des milliers d’annees. Il est associe au bien-etre et a la bonne fortune. Dommage que les nazis se soient empares de ce symbole maintenant stygmatise en Europe. La randonnee quant a elle m’offre une vue surprenante sur les sommets enneiges de la vallee d’Ina.

Temple shintoiste - Ina  Vue sur les Alpes japonaises - Ina

Semble pas commode cette divinite... - Ina  Temple shintoiste - Ina  Hitler deifie? - Ina

Je reprends le velo pour me rendre au parc Takato, situe a l’autre bout de la ville. Je passe de nombreuses maisons decorees de petits jardins finement entretenus, un autre aspect culturel du Japon omnipresent au quotidien. Le parc est un des trois plus celebres endroits du pays pour l’observation des cerisiers en fleurs. La foule afflue meme en ce milieu de semaine. De loin, le parc ressemble a un gigantesque bouquet ! Les japonais ont pour habitude en cette saison de visiter le parc ou ils adorent pique-niquer a l’ombre des arbres en fleurs. En fin de journee j’ai ma dose de sakura et je rentre chez Daniel chez qui je passe une soiree tranquille.

Takato joshi - Ina  Takato joshi - Ina

Le lendemain j’ai decide de bouger. Nord ou sud, je ne sais pas encore. Le (probable) retour a Tokyo dans une semaine me bloque dans mes deplacements. Je vais sans doute opter pour une semaine de vagabondage a l’improviste non loin de la capitale…

Super Sayan Omotenashi Seishin!

Je quitte Rob et Chiba tot le samedi matin. Je traverse Tokyo en train du sud au nord et m’arrete a Niza pour ma premiere experience de stop au Japon. L’endroit n’est pas ideal mais j’ai confiance et je suis prepare, j’ai dans la main un cahier ou est ecrit « Nagano » en Kanji. A Nagano m’attend Daniel, un americain egalement rencontre a Ishinomaki qui m’a invite a le visiter.

J’avais deja mentionne l’Omotenashi seishin dans un billet precedent. Il s’agit de ce particulier esprit hospitalier avec lequel vous accueillent les japonais. C’est tout a fait specifique au Japon et consiste en un comportement bienveillant qui peut parfois paraitre extreme pour les personnes non-averties. Il se trouve que ce jour il s’averera extreme meme pour une personne avertie !

Apres 5 minutes de stop, s’arrete une camionnette a ma hauteur. Un homme jeune m’interpelle en japonais. Je pige un mot sur dix mais comprends finalement qu’il se rend a 30km de la en direction de Nagano. Ca me suffit et je grimpe. Manabu ne parle pas un mot d’anglais et la conversation pourrait tourner court si je ne debalais pas tout mon vocabulaire japonais avec emphase. Manabu est de nature joyeuse et mon japonais et mes recits le font marrer  au plus haut point. Tant mieux ! Lorsque je mentionne innocemment mon volontariat a Ishinomaki, celui-ci est tres impressionne qu’un gaijin se soit entraine dans une telle entreprise et me remercie au nom de tous les japonais. Ce n’est pas la premiere fois que ca m’arrive mais c’est la premiere fois que c’est fait avec tant d’insistance.

Arrives a l’aire d’autoroute ou Manabu doit me deposer, il me propose d’appeler Daniel pour confirmer ma venue. J’accepte d’utiliser son telephone et je joins rapidement Daniel. Il m’apprend que je me trompe de direction puisque ce dernier vit a Ina, dans la prefecture de Nagano et non a Nagano ville. Bon, ce n’est pas un probleme, il va simplement falloir que je bifurque de-ci de-la. Manabu m’offre ensuite un repas sur l’aire d’autoroute et m’informe que la meilleure solution pour moi serait de retourner a Tokyo et d’y prendre le bus pour Ina. Sur ce, il compose sur son portable le numero du terminal de bus de Tokyo et me reserve un billet pour Ina. What the fuck !? Qu’est ce qu’il lui a pris ? Je n’en reviens pas… J’insiste pour qu’il annule le billet mais me heurte a ce qui deviendra sa reponse favorite face a mes protestations : « Present ! » (Cadeau) Ah, finalement tu connais un peu d’anglais…

A ce moment, je crois sincerement qu’il a paye le billet grace aux numeros de sa carte bleue et je ne peux donc qu’abdiquer. Le bus est prevu a 20h30 et j’accompagne donc Manabu le reste de la journee. Chose etrange, il s’en allait justement delivrer des fleurs dans une ecole de la region de Saitama ou ont ete evacues des habitants de Fukushima. Nous obtenons d’abord les fleurs puis nous rendons au lieu dit. Plus de 1100 personnes se trouvent dans ce lycee reamenage en refuge. Les salles de classe sont remplies de tatamis surcharges de couvertures et ou sont eparpillees des familles. Des parties entieres de l’ecole sont dediees au stockage de la nourriture, d’autres a l’acces a l’electricite et internet. Dans la cour se prepare un concert. Charlie est venu voir ses petits-enfants et organise un mini-concert pour redonner le moral aux occupants de l’immeuble. Pendant ce temps-la, Manabu et moi-meme tournons dans les etages ou nous laissons de petits bouquets un peu partout. Geste qui semble anodin mais la culture japonaise met tres en avant la composition florale et le batiment est parseme de bouquets. Deja deux semaines ici pour les plus anciens, essayer de se sentir chez soi devient vital.

Manabu et ses fleurs - Saitama Ken  Concert improvise dans l'ecole - Saitama Ken

La fin de journee arrive et nous retournons vers Tokyo. Nous prenons le train vers Shinjuku et au moment de retirer le billet, Manabu paye finalement en cash. Quel naif je fais ! Je ne peux lui expliquer en japonais que si je voyage en stop c’est parce que ca me plait, que je n’ai pas besoin qu’on me paye un billet de bus, et plus, que je ne veux pas qu’on me paye un billet de train ! Je dois ennuyer toutes les personnes du terminal pour finalement en trouver une qui parle anglais. Je lui demande de traduire mes pensees a Manabu. Rien n’y fait, il ne lache pas le morceau… La personne me fait comprendre que si je n’accepte pas il s’agira d’une offense. Encore un peu et je vais bientôt devoir en referer a l’empereur pour regler cette affaire. C’est bon, tu gagnes « Super Sayan Omotenashi Seishin », tu etais trop fort pour moi… Il m’accompagne jusqu’au bus et me fait un long signe de main lorsque celui-ci s’en va.

Super Sayan Omotenashi Seishin

J’arrive a Ina un peu avant minuit apres avoir parcouru 200 km, et quelle surprise de voir Daniel qui m’attend avec son ami Takachi a la gare routiere! Manabu les a appele a plusieurs reprises pour les informer de ma venue. Trop fort, definitivement !

Je vous ressers un peu de Tokyo?

Je reste le week end dans la famille Saito a Chigasaki. Le temps de recuperer un peu, de nettoyer mes affaires, de mettre a jour le blog et de trier les photos de la semaine precedente, etc. Je ne veux pas abuser de l’hospitalite des Saito plus longtemps et je contacte Julian, un ami anglais rencontre a Ishinomaki, qui accepte de m’accueillir quelques jours dans le centre de Tokyo.

Arigato Keiko ! Thanks for all the good things I’ve had from your family !

Famille Saito - Chigasaki

Je ne reste pas a Tokyo par gaite de cœur pour etre franc ; la ville est bien trop chere pour le vagabond que je suis. J’ai decide de postuler pour le 74eme voyage de Peace Boat qui partira en juillet prochain. Tous les trois mois, le bateau effectue un tour du monde depuis le Japon avec ateliers relatifs a la paix et a l’echange culturel pour ses passagers. Peace Boat propose aussi des cours intensifs d’anglais et d’espagnol informels adaptes aux besoins immediats des passagers. C’est la que j’entre en scene puisque j’ai propose mes services en tant que professeur d’espagnol. Si je suis selectionne, j’aurai droit a un tour du monde en bateau de croisiere dans mon tour du monde de vagabond. Croisez les doigts pour moi !

En attendant, je dois preparer ma candidature avec CV, lettres de motivation, plans de cours et plans d’organisation d’evenements ; le tout en anglais et espagnol. C’est pourquoi je traine a Tokyo pour preparer tout ca et profiter des conseils de Julian et de ses colocataires, tous professeurs d’anglais ou de japonais. Depuis le dernier etage de la maison de Julian, je pianote sur mon PC alors que les apres-chocs quotidiens font s’ebranler la maison (les apres-chocs dus au seisme du 11 avril doivent durer un mois environ). Je ne pars pas sans une petite soiree crepes avec Julian et ses colocataires mais aussi Tim et White house, mes anciens equipiers d’Ishinomaki, qui sont venus se joindrent a cette fete culinaire.

Le jeudi, je me rends a Chiba prefecture, au sud de Tokyo. Je rends visite a Rob qui a deja travaille comme professeur d’anglais pour Peace Boat et qui va m’aider a rediger ma candidature. Je dois encore jouer l’escroc dans le train pour ne pas me retrouver sans le sou (ne croyez pas que j’y prenne plaisir !). Je passe finalement deux jours avec Rob dans une ferme ecologique du sud de la prefecture. Rob s’est engage a nouveau avec Peace Boat, pour interpreter cette fois, et n’a plus de maison. Il reste quelques jours dans cette ferme en attendant et j’y suis chaleureusement invite egalement. La region est superbe, faite de basses montagnes, de rizieres et de bois de coniferes touffus. Nous avons meme la surprise de recevoir deux jeunes voyageuses nippones la derniere nuit et nous concoctons tous ensemble un splendide diner.

Rob's car between cherry blossoms - Chiba  Rizieres - Chiba  Diner a la ferme Love and Rice - Chiba

J’envoie ma candidature depuis Chiba et le samedi je suis pret a, enfin, voyager au Japon a ma facon, c'est-à-dire a l’ancienne avec mon sac a dos, mon pouce et mes deux gambettes ! Cependant, ca reste provisoire car je devrais revenir a Tokyo dans la fin du mois si je suis selectionne pour un entretien.

Welcome to muddy Ishinomaki...

Le soir du depart pour Ishinomaki, une centaine de volontaires est regroupee devant l’entree des locaux de Peace Boat a Takadanobaba-Eki. La plupart des volontaires sont japonais, il n’y a qu’une dizaine d’internationaux et tous vivent au Japon depuis plusieurs annees. Enfin presque tous, puisque le groupe compte egalement un « crazy French » desireux d’aller aider les habitants d’un pays dans lequel il ne se trouve que depuis quelques jours ; au grand dam de ses parents dont il comprend l’inquietude, menace nucleaire oblige. Son point de vue est qu’on ne peut recevoir en permanence sans jamais donner en retour. Il a ete recu durant tout son voyage en hote de marque par des inconnus du monde entier, aujourd’hui c’est le moment de renvoyer la balle et d’aider dans la mesure de ses moyens d’autres inconnus dont il ne parle pas la langue mais partage la detresse.

Apres avoir charge les camions en vivres et en produits divers pour les refugies d’Ishinomaki, il est temps de monter dans les deux bus affretes pour le transport des volontaires. Pour ma part, je monte dans le minivan de Rob qui met sa voiture a disposition de Peace Boat. J’ai mon permis international et je pourrais conduire si Rob a besoin de repos. Je n’ai jamais conduit avec le volant a droite, ce serait une premiere. Nous quittons Tokyo peu avant minuit et roulons tranquillement en direction du nord. J’apprecie la discussion avec Rob, un anglais emigre au Japon depuis une dizaine d’annees, ancien adepte du surf sur l’ile de Kyushu, professeur d’anglais a ses heures et libre-penseur. Nous ne voyons pas le temps passe et notons a peine notre passage par la ville de Fukushima, a une cinquantaine de kilometres de sa tristement mediatique centrale nucleaire. Il est 6h du matin quand nous arrivons au campus de l’universite Senshu d’Ishinomaki, QG des differentes ONG venues en soutien a la population de la ville. L’armee n’est pas loin non plus et a elu domicile pres du stade municipal. Cette partie de la ville a ete epargnee par le tsunami et ne presente pas de sequelles du desastre survenu trois semaines plus tot.

Repos de 2h a l’arriere du van en attendant l’arrivee des bus. Ensuite, mise en place du campement par equipe et premiere reunion d’information.

Team 2.16, first meeting - Ishinomaki

Premiere constatation : Peace Boat est plutot bien organisee malgre leur arrivee la semaine precedente sur le site. L’ONG possede un entrepot ou sont stockes tous les biens disponibles pour les habitants d’Ishinomaki, elle est en relation avec les differents corps d’interventions sur place et les centres de refugies et possede une petite flotte de vehicules particuliers venus faire la navette entre le campus et la zone cotiere ou le tremblement de terre et le tsunami ont fait des ravages. La reunion nous apprend qu’outre les personnes refugiees dans les centres, beaucoup d’autres sont encore en ville, disseminees un peu partout et qu’il est parfois difficile d’acceder jusqu'à eux. Ensuite, bien que les routes commencent a etre degagees, il est encore difficile de circuler en ville en vehicule et la marche reste le moyen de locomotion privilegie. La region est en penurie d’essence donc ca ne tombe finalement pas si mal… Les taches principales des volontaires sont les suivantes :

-          Preparation de nourriture pour les refugies et habitants isoles d’Ishinomaki

-          Distribution de la nourriture

-          Gestion de l’entrepot et de son contenu

-          Distribution des produits contenus dans l’entrepot

-          Nettoyage de la ville recouverte de boue et de debris apres le passage du tsunami

L’organisation du travail des volontaires est effectuee par un staff compose de quelques anciens de Peace Boat et chaque equipe compte un referent (ou « leader ») dans ses rangs pour faire la liaison. Mon equipe est assignee au nettoyage de la ville le premier jour. Nous nous rendons sur place peu apres midi.

Les equipes comptent six membres. La mienne est internationale. Rob, que j’ai deja presente, est anglais et est l’esprit pose du groupe avec neanmoins son petit grain de folie. Lalo est argentin, c’est notre chef cuistot et potentiel physique du groupe du haut de ses 106 kg. Tim est vietnamien et possede un certain talent pour le sarcasme et la finesse. Whitehouse est anglais comme Rob et pourrait etre caracterise de dandy au cœur tendre. Yudai est japonais, c’est notre leader, il est organise, est tres bon communicant et excellent compagnon. Et enfin moi-meme que vous avez appris a connaitre au fil de ces mois de voyage. En milieu de semaine viendra s’ajouter Arthur, un autre professeur d’anglais made in UK et grand amateur des cultures asiatiques.

Team 2.16 - Ishinomaki

Alors que nous quittons le campus en voiture, nous entrons peu a peu dans la zone sinistree. Gaves d’images du desastre depuis plusieurs jours par les medias, nous ne pouvons cependant eviter d’afficher notre ebahissement  face a l’ampleur des degats. Des debris jonchent de partout la ville, les voitures sont renversees ou encastrees dans des centimetres de boue, des maisons sont effondrees, des bateaux cotoient les debris en plein milieu de la rue, bref, l’apocalypse. Ensuite, la vision des habitants battant tranquillement le pave, ou circulant en velo dans la ville, atenue rapidement cette sensation de fin du monde. Nous arrivons dans le quartier de Chobu ou l’on nous assigne au nettoyage d’une maison ou resident une vielle dame et sa fille. L’acces a l’entree de la maison se fait a travers une allee surchargee de debris. La vision de l’interieur de la maison est encore plus etourdissante que celle des rues devastees. Tout est recouvert de boue et mis sens dessus-dessous. L’effet est atterrant. Il s’agit d’un espace si personnel, si intime, que savoir que ces femmes ne pourront jamais plus y chercher refuge ou y vivre des moments de bonheur dans la plus grande simplicite vous emplit d’un sentiment de vacuite etrange.

Street boat - Ishinomaki  Voie sans issue - Ishinomaki  Volontaires et habitants - Ishinomaki

Pourtant, les deux femmes nous accueillent avec le sourire auquel nous repondons avant de nous mettre au travail. Il ne s’agit pas simplement de tout evacuer a l’aide de pelles et de brouettes, mais aussi (et presque surtout) de recuperer avec le plus grand soin ce qui peut encore etre sauve et de ne pas jeter parmi les debris certains objets personnels que nous aurions tendance a considerer comme de simples dechets vu leur etat. Le travail de quelques heures d’une equipe de six hommes (jeunes et robustes dans notre cas) peut parfois equivaloir a deux semaines de travail solitaire d’une de ces femmes. C’est grace a ce genre de raisonnement qu’un volontaire arrive a considerer son travail comme « utile », ce qui est parfois difficile devant l’ampleur du travail a accomplir. L’Omotenashi seishin japonais (esprit hospitalier) fait encore ses preuves lorsque les occupantes de la maison viennent nous offrir le the avec quelques biscuits alors que nous pataugeons dans la boue. Je mange mon biscuit sur le rebord de la fenetre de la cuisine. Un enorme bateau de peche me fait face. La cote est pourtant a plusieurs centaines de metres…

In the street - Ishinomaki Devastation - Ishinomaki Devastation bis - Ishinomaki Take a break - Ishinomaki

Vers 16h nous arretons de travailler pour aller laver nos outils et nous debarbouiller. Une ONG japonaise pompe l’eau de la riviere qui traverse Ishinomaki et la recueille dans de grands reservoirs. Cette eau n’est pas potable et les habitants sont ravitailles en eau par l’armee, que ce soit pour les besoins alimentaires comme pour les besoins d’hygiene. Quant a l’electricite, elle est toujours coupee…  A 17h une voiture vient nous chercher pour nous ramener au campus. La nuit tombe et le froid se fait penetrant a travers nos multiples couches de vetements. Il est temps de preparer la soupe du soir, tache commune que nous prenons plaisir a effectuer. Il s’agira tout au long de la semaine d’un rituel quotidien qui nous permet de nous rapprocher entre membres de l’equipe. Yudai doit lui aller faire son rapport de la journee et prendre ses ordres pour le lendemain. Meme si le travail est physiquement exigeant, nous demandons a participer a cette tache pour la semaine entiere. Nous sommes directement au contact des habitants et partageons leur quotidien en faisant le maximum pour l’ameliorer.

Ravitaillement en eau par l'armee - Ishinomaki  Lavage de fin de journee - Ishinomaki

La premiere nuit en tente est severe. La temperature tombe largement en dessous des zero degres et il est difficile de dormir malgre sac de couchage, couverture et vetements cumules.

Reveil entre 6h30 et 7h le lendemain. Rob s’occupe de faire chauffer le the sur le camping-gaz place au centre de deux pneus empiles. Le vent est cinglant et faire chauffer l’eau du the s’avere un defi que seul un anglais peut relever dans de telles conditions. Courte reunion a 8h avec assignation des taches pour chaque equipe. On nous renvoie patauger dans la boue, parfait. Depart a 8h30. Cette fois nous travaillons avec quatre ou cinq autres equipes au nettoyage d’un parking, futur QG in situ de Peace Boat. A la fin de la journee, nous ne comptons plus les sacs de boue. Une autre journee s’ecoule, il fait toujours aussi froid mais la neige ne s’invite pas encore.

Muddy parking - Ishinomaki  Ca en fait des sacs de boue! - Ishinomaki

Le troisieme jour, nous nettoyons un cafe et un entrepot de bouteilles. La boue est humide et difficile a deplacer. Macabre decouverte puisque nous trouvons un chat mort enfonce sous plusieurs epaisseurs de boue. Des rumeurs parlent de groupes ayant decouvert des corps humains. Evidemment, c’est une possibilite qui nous guette avec plus de 10 000 disparus dans la region… En fin de journee, j’interroge la proprietaire du cafe sur la vie sur place au quotidien. Les gens ne sont revenus que depuis peu de temps apres avoir ete evacues il y a trois semaines de ca. La plupart habite aux premiers etages des maisons puisque vivre au rez-de-chaussee est evidemment impossible. Toutes ces personnes aujourd’hui revenues sur le lieu du desastre sont des survivants. Au moment du tsunami ils se trouvaient tous a l’etage de leur maison ou loin du tsunami. Ceux presents au rez-de-chaussee n’ont pas eu leur chance et ont ete emportes par les flots.

Paradoxalement, alors que nous nous attendions tous a etre submerges par la detresse des habitants d’Ishinomaki, nous sommes au contraire surpris par leur calme, leurs sourires, leur chaleur et leur hospitalite. Il ne se passe pas un jour sans que quelqu’un nous offre un cafe, un the, un sandwich ou une bouteille de sake trouvee dans la boue. De meme, alors que les jours passent, notre equipe se soude, notre campement ressemble de plus en plus a un camp de gitans avec musique, soupe commune, discussions animees. Est-ce mal de passer de bons moments au beau milieu d’un desastre qui a coute la vie a des milliers de personnes ? Je ne saurais le dire, mais je me plais a imaginer que notre bonne humeur et notre empathie sont contagieuses.

Gipsy camp - Ishinomaki

Nouvelle demonstration d’hospitalite le quatrieme jour alors que nous sommes invites a partager le repas des femmes du quartier de Chobu. Au menu, rumis (nouilles chinoises) et boulettes de riz.  Le climat se fait plus clement et la temperature augmente. Nous en profitons pour prendre une pause a l’ombre d’un paquebot echoue a cote du restaurant que nous debarrassons de sa boue. Le proprietaire, desillusionne sur l’avenir de son commerce en debut de journee reprend espoir la journee suivante lorsque nous achevons de nettoyer la derniere piece du restaurant. Cela met un peu de baume a nos petits cœurs de volontaires ! A la question : « Qu’allez vous faire dans les prochaines semaines ? » La reponse de l’homme est simple : « Nettoyer… » Et apres, tout dependra des moyens mis en œuvre par le gouvernement japonais pour relancer l’economie de la ville.

Lunch in Chobu - Ishinomaki  Big mess... - Ishinomaki

Le jeudi, c’est notre dernier jour en ville puisqu’on doit nous assigner a la distribution de nourriture dans un camp de refugies le vendredi. Nous fetons ca en nettoyant un magasin de porcelaine avec la delicate tache de sauver un maximum des precieuses ceramiques prisonnieres de la boue. Le proprietaire pourra toujours revendre certains sets s’ils sont complets. A propos, qu’est ce qui est plus devastateur qu’un elephant dans un magasin de porcelaine ? Un tsunami dans un magasin de porcelaine ! Bonne reponse Gisele, vous gagnez le droit de venir chercher votre toute nouvelle paire de bottes anti-tsunami a la centrale nucleaire de Fukushima (frais de transport et combinaison antiradiations non inclus).

Saved from the mud... - Ishinomaki  Volunteers at work - Ishinomaki  Exhausted - Ishinomaki

Le jeudi soir, nous decidons de nous offrir une cure de relaxation dans un onsen, un traditionnel bain japonais alimente a l’eau de source de montagne. Apres six jours de dur labeur sans prendre une douche, j’accueille mon premier onsen avec delectation.  Nous sommes les seuls presents dans l’onsen et nous nous devetons rapidement avant de passer dans la premiere salle, celle de la douche et du premier bain a l’eau tiede. La seconde salle est celle du bain a l’eau chaude. Ce bain est generalement situe a l’exterieur, au milieu d’un decor sauvage enchanteur pour les onsen les plus jolis. Apres ce moment delicieux passe a nous laver et a detendre nos corps dans l’eau chaude, nous faisons un arret dans un restaurant chinois. Et oui, meme au Japon on peut manger chinois ! Cette partie de la ville est intacte et le contraste est saisissant avec les rues et maisons boueuses que nous avons visitees jusqu'à maintenant. Le repas est aussi enchanteur que l’onsen.

Alors que nous payons l’addition en nous pamant d’extase apres cette divine soiree, l’impensable se produit : un tremblement de terre ! Toute la semaine nous avons senti de petites secousses mais nous n’etions pas prepares a un tel tremblement. D’abord lent, le mouvement vertical de la terre se fait peu a peu rapide. Les objets commencent a tomber des etageres et la cuisine du restaurant devient un vrai tintamarre. Trois de mes compagnons s’enfuient par la porte d’entree, un autre plonge sous la table et le dernier se colle au mur. Je ne sais quoi faire. Mecaniquement, je finis la biere que j’ai dans la main. C’eut ete comique si le tremblement n’avait pas ete aussi fort… Enfin, Yudai m’agrippe par le bras et me fait signe de me coller au mur pres de lui. L’electricite se coupe tandis que le tremblement diminue d’intensite. Nous reprenons nos esprits et nous dirigeons vers notre vehicule. La radio nous apprend que nous venons d’essuyer un tremblement de terre de moment de magnitude 7.4 et que la zone est maintenant menacee par un tsunami qui pourrait atteindre 5 m de haut. Nous decidons de regagner le campus qui avait ete epargne par le premier tsunami du 11 mars. Sur place, tout le monde est reveille. Les gens sont diriges vers le dernier etage de l’universite ou ils attendent patiemment la suite. Apres une heure d’attente, l’alerte au tsunami passe. Il est 1h du matin, nous pouvons finalement aller dormir.

Les evenements de cette nuit-la nous empeche de travailler le lendemain. Il faut verifier si le tremblement de terre n’a pas occasionne d’autres degats et faire l’etat des lieux des zones sinistrees. Nous en profitons pour organiser un double match de foot « Japon-Reste du Monde ». Les rapides nippons nous infligent deux cuisantes defaites mais cela ne nous empeche pas de profiter de ce temps libre et de nous faire de nouveaux amis. Nous organisons une derniere soiree avec soupe et whisky pour ceux qui le souhaitent et une petite foule s’amasse rapidement pres de nos tentes. Je manque encore de vocabulaire pour pretendre flirter correctement avec les jolies volontaires japonaises. Mes compagnons se chargent du boulot…

Le samedi matin, la pluie s’invite pour la premiere fois au moment de remballer les tentes. Une derniere reunion afin d’accueillir et d’orienter les nouveaux volontaires de Peace Boat et nous prenons le bus du retour vers midi. Apres 7h de voyage nous sommes de nouveau a Tokyo. Rues propres, restaurants garnis de nourriture, traffic surcharge, japonais et japonaises a l’œil terne, fourbus par le travail, nous replongeons en un instant dans le quotidien de la capitale. Nous nous quittons un a un avec le sentiment de dire au revoir a de vieux amis et je rentre quant a moi a Chigasaki, rejoindre la famille Saito.

Pensee pour tous ces gens encore a Ishinomaki dont la vie au cœur du desastre ne se limite pas a une semaine de bonnes oeuvres. La reconstruction de la ville prendra du temps et il faudra plus que la bonne volonte de quelques volontaires pour la mener a bien.

Mario's fall - Ishinomaki

La famille Saito

Je passe encore deux jours chez Yuichi qui ne peut me recevoir plus longtemps et continue mon exploration de Tokyo. Je visite en outre le parc Ueno ou il est tres agreable de se promener. Tous les musees qu’abrite le parc sont fermes (meme le zoo avec son fameux panda a ses portes closes) et je me rabats sur l’observation d’adolescents jouant au base-ball, le sport numero un au Japon. Je visite ensuite les quelques temples du parc avec en prime la rencontre d’un petit vieux qui m’interpelle dans un anglais approximatif pour me faire la visite du parc. Il a tout l’air de la materialisation d’un esprit espiegle d’un des temples que je visite et disparait aussi soudainement qu’il était apparu.

Ueno Park - Tokyo

Le lundi soir, je remercie Yuichi pour son acceuil et me dirige vers Chigasaki ou Keiko et sa famille ont accepte de me recevoir avant mon depart pour Ishinomaki le vendredi suivant.

« Arigato gozaimasu Yuichi ! Houdon wa totemo oishi deshita ! Kiotsukete, matane ! »

La maison de Keiko est tout en miniature et j’ai presque peur de casser quelque chose lorsque j’etends mes grandes pattes ! J’assiste ici a la demonstration nippone de l’optimisation de l’utilisation de l’espace. Tout est emboitable, interchangeable, miniaturise et concu pour etre le plus pratique possible. La famille Saito me recoit avec un diner typiquement japonais malgre l’heure avancee de la nuit et nous nous couchons tard ce soir la. La mere de Keiko ne parle pas anglais et Keiko assure donc la traduction. Avec le pere de Keiko, professeur universitaire, la discussion se fait en anglais. Je prends les quartiers de Masako qui est absente et qui de toute facon s’en ira dans deux jours pour Osaka.

Tandis que Keiko entreprend avec le plus grand serieux la tache difficile de m’enseigner les bases du japonais, sa mere entreprend la tache non moins difficile de me montrer l’etendue de la cuisine japonaise. Outre les fameux sushis, la cuisine japonaise recele de mets fins et d’excellentes patisseries. Ce qui me plait le plus c’est la sempiternelle division de la nourriture en une multitude de petits plats qui permettent une grande variete de saveurs a chaque repas. Je suis aussi etonne de decouvrir que le riz au curry (curry japonais, plus doux que son homologue indien) est un fameux plat au Japon. Pour ne pas faillir au cliche, nous allons un jour deguster des sushis dans le centre de Chigasaki avec toute la famille.

Pecheur a Chigasaki  My diner! - Chigasaki

Avec Keiko, une jeune fille brillante et a l’esprit particulierement ouvert, j’echange beaucoup sur le theme du voyage et de la difference culturelle France/Japon (j’ai meme encore reussi a caser une soiree crepes un de ces soirs ; le Ministere de la Culture devrait me donner une bourse pour propagation de la culture francaise a travers le globe !). J’ameliore aussi mon japonais et elle son espagnol, langue qu’elle apprend depuis quelques mois.

Crepes! - Chigasaki  Salle a manger nippone - Chigasaki

A part ca, j’occupe mon temps a me preparer pour Ishinomaki entre reunions avec mon « equipe » et courses pour me fournir en nourriture et en materiel impermeable (bottes notamment) puisqu’on nous a prevu de long bains de boue dans le nord. Chigasaki se situe au sud du Grand Tokyo et il me faut 1h30 de transports en commun pour rejoindre Tokyo Centre. A part ces reunions, j’evite donc de me rendre a Tokyo. Excepte un soir ou je fais la connaissance d’Aya, une sympathique couchsurfeuse avec qui je partagerai de bons moments autour d’un cafe.

Le vendredi soir, je quitte la famille Saito pour me rendre a Takadanobaba, dans les quartiers de Peace Boat. J’ai sur les epaules un sac surcharge de vivres, de materiel de camping et de vetements pour resister au froid et pour travailler dans la boue. Esperons que cela suffira…

Not lost in translation yet...

Reveil au petit matin, il fait un froid de mouette, euh… de canard. Le printemps vient d’arriver au Japon mais les temperatures restent tres fraiches. Ce matin a Tokyo il doit avoisiner les 5C. Je tente mes premiers mots en japonais au moment de prendre le train pour Tokyo, pas un franc succes et heureusement qu’on me repond directement en anglais. C’est une attitude qui me vexait generalement en Amerique du Sud, or ici ca ne me gene absolument plus car tout m’est inconnu, en particulier la langue. D’ailleurs parler n’est pas tout, dans le cas du metro et du train il s’agirait plutot de lire. Le japonais que j’apprends s’ecrit en romaji (soit du japonais ecrit avec l’alphabet latin) ; or le veritable japonais s’ecrit avec des kanji et autres caracteres appeles soit katakana soit hiragana. Les kanji, herites de l’ecriture chinoise, representent des mots ou expressions. Il en existe pres de 100 000 mais 2 000 a 3 000 suffisent generalement pour maitriser le japonais. On se sent tout de suite mieux, non ? Les caracteres en katakana ou hiragana sont les syllabes de l’alphabet japonais ; ils sont utilises pour ecrire les mots du japonais qui ne proviendraient pas de l’ecriture chinoise. Il en existe plus d’une centaine de chaque syllabaire. Bref, tout ca pour dire que le plan du reseau ferroviare est une enigme pour moi car tout y est ecrit en japonais, non latinise vous l’aurez compris…

Je m’assois dans le train et sors mon petit bouquin intitule « An ideal text for busy people who want to learn Japanese quickly ». Ben quoi ? Oui je suis « busy » ! S’assoit a cote de moi un femme d’age mur munie de son masque de protection, veritable marque de fabrique tokyoite (j’apprends d’ailleurs que les gens le porte seulement pour question d’hygiene, et surtout en hiver pour eviter d’attrapper le rhume de son voisin). Au bout de quelques instants, elle me demande en anglais d’où je viens. Je lui reponds cordialement avec mon meilleur sourire (et accent) « made in France ». Le visage soudain eclaire, elle me repond alors en francais. Pour une coincidence… Elle s’appelle Mela et travaille au ministere de la Justice. Elle parle d’ailleurs, outre l’anglais et le francais, l’espagnol et le mandarin. Tout ca pour defendre les nombreux immigres venus d’Afrique, d’Asie et d’Amerique afin de profiter de la bonne economie japonaise. Enfin, tout ca c’était avant le drame, bien entendu… Pas sur que l’economie japonaise soit aussi bonne dans les mois a venir.

Je descends a l’arret « Tokyo », situe en plein cœur du quartier des affaires. Ici, proprete irreprochable, buildings en verre vertigineux, employes de bureaux tout de noir et de gris vetus et boutiques luxueuses methodiquement aseptisees. J’oblique rapidement vers le sud et me rends a Tsukiji pour vister le marche. Ah, enfin un peu de desordre et d’animation ! Evidemment les etalages de fruits et legumes sont tres jolis mais je viens surtout voir les etalages de poissons, veritable richesse de cet endroit. L’activite en ce milieu de matinee est tonitruente et tout ce qui se vend ici est soit vivant soit tres frais. Tout cela me donne faim et je decide de manger mes premiers sushis. Je trouve un restaurant abordable et m’initie au concept du « sers-toi toi-meme ! ». En effet, la cuisine, ouverte, se trouve au centre du restaurant et autour de cette derniere et des chefs qui s’y agitent circule un tapis roulant proposant une grande variete de sushis et de sashimis. Le prix depend du design de l’assiette. Chaque client a egalement son robinet d’eau chaude personnel et peut se servir un the a tout moment. Premiere experience culinaire reussie !

Marche de Tsukiji - Tokyo  Sushis! - Tokyo

Dans l’apres-midi, je decide de me promener du cote du palais imperial. Alors que je passe devant l’entree, deux jeunes japonaises me font signe en me lancant des « Hello ! Hello ! » Je vais a leur rencontre. Keiko et Masako attendent leurs amies qui doivent sortir du palais sous peu. Elles parlent anglais et nous faisons rapidement connaissance. Quand leurs amies arrivent, je me retrouve entoure d’un petit groupe au feminin, ce qui n’est pas pour me deplaire. Elles me proposent de les accompagner voir le temple Sensoji dans le quartier Asakusa. J’accepte evidemment.

Nouvelle prise du train, ce qui est une vraie saignee en ce qui me concerne. Autant qu’on se le dise, Tokyo n’est pas plus chere que Paris ou New York ou meme Buenos Aires en termes de nourriture et de divertissements. Par contre, en ce qui concerne les transports, je considere c’est un veritable vol a l’etalage tant les tarifs sont eleves. En ma qualite d’ancien parisien amateur du fraudage de transports publics, je nourris quelques envies de sauter certaines barrieres ! Seulement, cela s’avere une mission presque impossible car un garde est poste a chaque entree/sortie de station. Apres deux jours dans la ville j’adopterai une solution intermediaire intitulee : « la perte malencontreuse du billet ». Tres simple, dans le cas d’un voyage excedant les ¥260 (ce qui est frequemment le cas), il suffit de payer la somme minimum a l’entree de la station de depart (soit ¥130 ou un peu plus de 1€) et de faire mine d’avoir perdu son billet a la sortie de la station d’arrivee. On vous demande alors generalement avec grande courtoisie ou vous etes monte dans le train et vous mentionnez avec tout le manque d’assurance due a votre statut de gaijin (etranger), le nom de la station la plus proche. Vous payerez a nouveau le tarif minimum et on vous gratifiera d’une courbette et d’un arigato gozaimasu (merci). Si mes souvenirs sont bons, dans le metro parisien, si je « perds » mon billet je me retrouve a payer une amende de 45€, quelque soit la raison de cette perte… Les japonais sont plutot confiants. Tout est tellement organise, voire presque « orchestre », pour que la machine fonctionne ici, que le comportement crapuleux semble n’etre qu’un concept etranger a la mentalite nippone, ou du moins tokyoite.

Je pourrais m’etendre des heures sur la prise du train, qui est une relle attraction en soit, mais j’en reviens a mon recit. A peine sortis de la station, mes accompagnatrices font chauffer frenetiquement les appareils photos. Premiere constatation : l’idee recue des japonais fanatiques de photographie semble ne pas etre usurpee. Le temple se trouve au bout d’une longue allee bordee de petites boutiques vendant des souvenirs. L’ambiance est charmante et le temple est superbe. C’est le plus vieux de la ville et il a ete recemment renove.

Asakusa - Tokyo  Temple Sensoji - Tokyo

Apres cette page culture passee au crible des appareils photos, nous nous dirigeons vers Shinjuku, LE lieu de la vie nocturne a Tokyo ! Mes compagnes m’y entrainent pour une seance de purikula. Je ne comprends de quoi il s’agit qu’une fois sur place, apres avoir gravi les quatre etages d’un immeuble litteralement bonde de jeux videos ou s’agitent des dizaines d’adolescents et d’autres plus ages. Le dernier etage est garni de photomatons. L’interet du lieu est que l’on peut personnaliser ses photos, et generalement ca se fait a base de couleurs flashy et de stress et paillettes. Logique, je me rends vite compte que l’endroit n’est visite que par des filles… Je me prends au jeu et les filles me recompensent d’une belle photo !

Purikula in Shinjuku - Tokyo  Purikula pour Jonasan! - Tokyo

Il est temps pour moi de quitter cette charmante compagnie et de me rendre chez Yuichi, mon hote CS. Nous nous retrouvons a la station Asagaya et apres 5 minutes de marche nous sommes chez lui. Il s’agit d’une maison ancienne avec toute la panoplie de panneaux coulissants, de tatamis, de futons, de petites tasses de the traditionnelles et le tutti quanti. Je partage le the avec Yuichi qui me parle un peu de son activite de journaliste sportif et de webmaster. Yuichi parle anglais mais s’aide souvent de son dictionnaire electronique qu’il a toujours a portee de main. Le sommeil me gagne finalement et je rejoins mon futon avec reconnaissance pour mon hote qui m’offre ma premiere nuit dans un lit depuis 15 jours.

Le lendemain, Yuichi me prepare un petit dejeuner copieux (et delicieux) a base de nouilles, de raviolis de crevettes et d’une sauce a base de soja et de yam. Ensuite, depart a 8h50 exactement. Yuichi est d’une ponctualite impressionnate et je ne peux m’empecher de songer avec un sourire reveur au retard chronique de mes amis latinos ! Tandis que Yuichi part travailler, je me rends a la bibliotheque du quartier pour etudier mon japonais. Une lesson par matinee, c’est la contrainte que je me suis fixe. Dans l’apres-midi, je me rends a Kamakura situee dans le Grand Tokyo. Je reponds ainsi a l’invitation de Keiko et Masako qui m’ont convie a une visite de la ville la veille. Nous flanons d’abord dans la rue Komachi, riche de boutiques alimentaires. A ma grande joie, tout est goutable ! Je ne me prive pas et mange de tout ! Les filles me donne le nom de chaque aliment et se font un plaisir de repondre a mes questions sur la cuisine japonaise et d’autres aspects de leur culture. Nous arrivons ensuite au temple Tsurugaoka Hachimangu, le plus important de Kamakura. La ville fut autrefois un shogunat d’importance rivalisant avec Kyoto, l’ancienne capitale du Japon. La construction du temple fut ordonnee par Minamoto no Yorimoto, le père de l’ere Kamakura qui debuta au 12eme siecle et dura pres de 150 ans.

Noodles made in Yuichi! - Tokyo  Session degustation dans Komachi-dori - Kamakura  Masako et Keiko devant Tsuguraoka Hichimangu - Kamakura

Apres le temple, nous allons rendre une petite visite au second plus grand Bouddha en bronze du pays. Mesurant 11 m de haut et pesant 93 t, il trone paisiblement au centre du temple qui lui est dedie. La serenite du lieu entoure de montagnes verdoyantes est saisissante !

Great Buddha - Kamakura

Mes guides m’empressent de les accompagner ensuite a Shinjuku. Je me laisse a nouveau guider. Nous visitons une boutique de deguisements ou je ne suis pas celui qui essayera le plus ridicule, meme si la photo ci-dessous fait penser le contraire. Ensuite, nous nous rendons dans un restaurant que visitent tous les etudiants de la ville du fait de ses prix abordables. La commande se fait via un ordinateur tactile disponible a notre table et il vaut mieux etre accompagne d’un japonais pour savoir quoi commander. Nouvelle experience culinaire et bons moments avec Keiko et Masako qui s’averent etre des guides de haute volee. Je les abandonne finalement pour ce qui deviendra mon traditionnel « moment the » avec Yuichi, de retour du travail.

Camouflage parfait! - Tokyo

Le jour suivant, apres ma matinee a la bibliotheque, je me rends a Akihabara, la « ville electrique ». Pourquoi cette appellation ? Tout simplement car ce quartier offre toutes les opportunites possibles et imaginables en termes de materiel electronique. C’est aussi le lieu des fans de mangas qui s’accumulent dans des magasins specialises. Rendu dans un de ces « temples du manga », je feuillette un antique premier tome de Dragonball et je replonge soudain en enfance. La generation des annees 80 comprendra surement ma nostalgie…

Video games in Akihabara - Tokyo  City landscape - Tokyo  La folie des mangas - Tokyo

Arrive le soir et je me rends a Takadanobaba pour assister a une reunion de Peace Boat, l’ONG pour laquelle je compte m’engager pour aider les victimes du recent tsunami. La presentation a lieu dans un sous-sol mal eclaire et la foule de personnes s’agglomerant dans les bureaux de l’association donne a l’evenement une allure de reunion clandestine. Nous ne sommes qu’un petit groupe d’etrangers et la reunion se tient en japonais. Je reste pres de 2h la-bas et decide de finalement me porter volontaire pour une semaine d’aide a Ishinomaki, une des villes de la cote nord-est du pays qui a ete le plus touche par le tsunami. Les volontaires ne peuvent rester plus d’une semaine et Peace Boat a instaure une rotation des groupes. Ceci est du aux conditions extremes de travail sur place selon l’organisation. L’epuisement physique et mental devrait etre au rendez-vous…  Je serai donc a Tokyo pour une semaine encore en attendant le depart.

Je pars vendredi prochain, le 1er avril. Pourtant, cela n’a rien d’une blague mais est bel et bien l’histoire d’une tragedie qui a, a ce jour, coute la vie a plus de 10 000 personnes (plus 16 000 disparus), qui oblige 240 000 personnes a vivre dans des campements provisoires et qui a provoque une catastrophe nucleaire aux effets encore imprevisibles (177 000 personnes evacuees dans un rayon de 20 km autour de Fukushima)

Sayonara Amerika, Konnichiwa Nihon!

Toujours a l’affut de nouvelles en provenance directe du Japon, je passé mon week end sur l’ordinateur a essayer d’ameliorer mon japonais entre deux breves. Le lundi, je sors a la lumiere du jour et me ballade dans la ville en velo entre une nouvelle presentation a l’ecole d’Anita et un dejeuner avec Victor, mon Couchsurfer de Tijuana rencontre il y a plus d’un an de cela. J’ai aussi recu pile a temps le colis de Nico et Eva et je suis donc pare pour poursuivre le voyage.

Le mardi vient enfin le depart. Pour etre franc, je suis un peu nerveux. Je n’ai pas dormi de la nuit et le lever tot le matin pour me rendre a la gare routiere n’aide pas. Un dernier au revoir a Anita accompagne de toute ma gratitude et je saute dans le bus qui me mene a Los Angeles. Une fois sur place, je marche. Dote de mon nouveau sac a dos flambant neuf (un peu trop flambant d’ailleurs), je traverse les rues de Los Angeles ou pullulent litteralement les clochards et les sans-abris. Face au clinquant de Hill Crest et de North Park ou je residais a San Diego, le contraste est saisissant mais n’a rien d’extraordinaire. C’est l’Amerique avec ses extremes.

J’arrive a l’aeroport de LA en milieu de journee et suis recu par les charmantes hotesses de Singapore Airlines qui me regalent de courbettes courtoises. Sourire jusqu’aux oreilles de ma part excepte lorsqu’elles me signalent (toujours avec le sourire et a force de grandes courbettes) que sans billet de sortie du Japon je ne peux m’embarquer. Tres drole… Allez mesdames, les plaisanteries sont les plus courtes. Ah, elles insistent les imprudentes. Tres bien, je demande a voir la responsable. Nous nous expliquons calmement et je leur signe un papier les liberant de la lourde responsabilite de me laisser embarquer sans billet de retour. Je devrais regler ca a Tokyo avec la douane ; ca promet une arrivee houlleuse.

Apres une fouille (tres) rapproche qui fait suite l’epreuve du billet (je suis considere comme client « special » du fait de mon aller sans retour, quelle chance !) et un retard d’une petite heure de l’avion, je m’embarque enfin. Pres de douze heures de vol sans sommeil (j’ai tellement envie les ronfleurs qui m’entouraient !) dans un avion au trois-quarts vide (tu m’etonnes !) et me voila a Tokyo avec seize heures d’avance sur l’horaire americain. Je perds un jour de mon existence… Alors que pour moi c’est encore le matin, a Tokyo c’est déjà la nuit. L’aeroport est quasi desert, tout les rats ont déjà quitte le navire et personne n’ose encore y remonter. J’ai prevenu Yuichi, mon Couchsurfer a Tokyo, que j’arriverai le lendemain. Il est déjà tard et je prefere passer la nuit a l’aeroport situe dans la banlieue eloignee de la ville.

Avant de m’affaler sur une banquette pour rattrapper mon sommeil en retard, je ne peux m’empecher d’aller tester mon premier toilette avec rince-fesses automatique. Apres ce premier essai, j’en viens a la conclusion qu’il est plus pratique de s’essuyer avant de s’asperger l’arriere train. C’est en forgeant qu'on devient forgeron, n’est ce pas ?

Aeroport Narita vide... - Tokyo  Toilettes Hi-Tech! - Tokyo Narita

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